Ma tante Mélie est muette, — avec cela bavarde, bavarde !

Ses yeux, son front, ses lèvres, ses mains, ses pieds, ses nerfs, ses muscles, sa chair, sa peau, tout chez elle remue, jase, interroge, répond ; elle vous harcèle de questions, elle demande des répliques ; ses prunelles se dilatent, s’éteignent ; ses joues se gonflent, se rentrent ; son nez saute ! elle vous touche ici, là, lentement, brusquement, pensivement, follement ; il n’y a pas moyen de finir la conversation. Il faut y être, avoir un signe pour chaque signe, un geste pour chaque geste, des réparties, du trait, regarder tantôt dans le ciel, tantôt à la cave, attraper sa pensée comme on peut […], en un mot, se donner tout entier, tandis qu’avec les commères qui ont une langue, on ne fait que prêter l’oreille : rien n’est bavard comme un sourd et muet.

Jules Vallès, L’Enfant

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