Les argots à clef

L’argot est un langage fermé, émanant d’un groupe social spécifique et permettant de s’exprimer sans être compris des personnes n’appartenant pas à ce groupe. L’argot est à différencier du jargon, qui est un lexique spécifique à une profession.

Argot à clef

Un argot à clef utilise le lexique classique, mais le transforme selon une clef logique. Ce n’est plus la connaissance d’un lexique spécifique qui permet de comprendre alors l’argot, mais la connaissance de cette clef qui permet de le traduire.

Les argots à clef sont-ils des figures de style ?

On pourrait dire « non », car il s’agit d’un langage différent avec son propre vocabulaire. Je prendrais le parti de dire « oui ». Contrairement à un argot classique qui possède son propre lexique, les argots à clef reprennent le lexique de la langue française et ne font que transformer sa représentation orale ou écrite selon des règles précises. Ils sont donc proches des figures de modifications phonétiques et lexicales.

Le verlan

L’argot à clef le plus connu est le verlan au point que certains mots se sont même lexicalisés. Le verlan vise à prononcer à « l’envers » certains mots de la phrase. Son découpage se fait syllabe par syllabe. Il opère, parfois, une légère modification par suppression phonétique (beur, meuf ) qui peuvent alors être repassés dans la clef sans revenir au mot initial (re-beu).

Exemples :

Laisse béton, il est trop chelou ce keum ! C’est carrément zarbi… Pour : « Laisse tomber, il est trop louche, ce mec ! C’est carrément bizarre…»

La clef du verlan est celle-ci : On préfèrera des mots courts, trois syllabes est déjà un cas rare.

Monosyllabe Inversion des phonèmes.

Mot de 2 syllabes : A-B devient B-A

Mot de 3 syllabes : A-B-C devient C-B (cas de modification phonétique) B-C-A (C comporte un e muet) C-B-A Ce qui n’empêche pas des transformations phonétiques ultérieures, par métaplasme, pour faciliter la prononciation des mots : flic devenant keuf, par apocope du verlan keufli.

Le javanais

Un autre argot à clef connu est le javanais, dont le nom s’est lexicalisé pour devenir synonyme de charabia… Sa clef se résume à :

Décomposez le mot en syllabe. Avant chaque son vocalique (~voyelles), rajoutez la syllabe « av » (le e muet ainsi que le y suivi d’une voyelle ne sont pas pris en compte). On conserve les sonorités initiales (un c peut donc devenir ç si besoin est)

Exemples : Jave savais pavarlaver çavet l’avargavot. Pour : « Je sais parler cet argot.»

Le largonji

Quand on parle d’argot et de groupe qui ne veut pas se faire comprendre, il faut penser aux prisonniers. La clef du « largonji » est la suivante :

On prend la première consonne (ou groupe consonantique) du mot. On remplace cette consonne par un « L » Puis on place en fin de mot la prononciation de(s) lettre(s) retirée(s)

Exemples : En loucedé. Alentionté. Pour : en douce. Attention

Le louchébem

Le louchébem est l’argot des boucher. Ne pas être compris des clients permettait de revendre la viande avariée plus aisément… Sa logique est proche de celle du largonji, seule la clef diffère :

On enlève la première consonne que l’on remplace par un « L » Cette fois, cependant, on la replace suivie d’un suffixe (généralement –em, mais aussi –oque, -uque, -é, -ès)

Exemples : Loufoque pour fou

Le l33t sp34k de l’anglais leet speak (« langage de l’élite ») est un argot à clef qui n’opère pas sur le lexique mais sur sa représentation graphique : on change les symboles utilisés habituellement (les lettres) par d’autres symboles (des chiffres, des caractères ASCII, ou une succession de ceux-ci). Une même lettre peut être remplacée de plusieurs façons différentes tant que la ressemblance visuelle existe.

Exemples : Ainsi « salut » peut s’écrire

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Résumé :

Les argots à clefs ne demandent que de connaître la clef de transformation pour les convertir en langue française classique.

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